DES NOUVELLES DE HANOÏ #3 ET FIN
Voici le dernier épisode des aventures de Tintinlot au pays des sceaux viets (cette fine plaisanterie est © Numa Sadoul, who else).
Manuel m’écrit : “Ça fait deux fois que tu parles du défoliant. Si l'agent orange est bien une spécificité américaine (peut-être ce qui a valu le plus de haine de la part de la population vietnamienne, on peut les comprendre), ça a d’abord été testé puis abandonné par les troupes coloniales françaises. Comment je le sais, me diras-tu ? Mon grand-père était armurier aéro pendant "l'Indochine". Plusieurs raisons pour cet abandon : le coût, l'opposition des troupes de base, notamment alertées par les risques d'image terribles par leurs supplétifs indochinois... Ils se sont donc contentés du napalm, en "petite quantité"... Mon grand-père n'en était pas fier. Bref, comme souvent on n'est pas vraiment mieux que quiconque, nous autres Français...”
On vend du café partout. A toutes les sauces. Le Vietnam est le deuxième producteur mondial derrière le Brésil. Ouvrir un café, c’est la start-up préférée des jeunes diplômés.

Au cinéma, c’est amusant d’entendre les gens qui rigolent à des endroits que toi tu trouves pas du tout marrants. #FosséCulturel. Mais le film (vietnamien) était sous-titré (en anglais) donc j’ai tout compris.

Cette annonce sur la vitrine de ce café vegan : we have plant-based coffee. Car il est bien connu que le vrai café, c’est à base de viande de porc, en fait.

J’arrive dans un quartier où aucun étranger ne met les Havaianas car ce n’est pas un endroit touristique. Un peu perdu, je cherche mon chemin. Soudain, 15 mains m’indiquent en même temps la direction. Les seuls touristes qui se perdent par ici, c’est toujours pour aller rencontrer le même gars qui propose une visite un peu en dehors des sentiers battus.

Il y a ici un mémorial dédié à un soldat américain. Pas n’importe qui : après avoir été retenu six ans prisonnier ici, John McCain est devenu sénateur. C’est à lui qu’on doit l’annulation de la majorité des sanctions contre le Vietnam dans les années 90. Donc, c’est une star.
Les deux conseils d’un Vietnamien sur la manière de se conduire ici pour un visiteur :
• ne PAS critiquer notre nourriture
• ne PAS critiquer notre système politique.


Alors, venons-en au fameux dossier canin…
Quand j’ai annoncé que j’avais envie d’essayer la viande de chien, j’ai perdu la moitié de mes abonnés et l’autre moitié m’a copieusement insulté. Seuls quelques mauvais esprits m’ont gratifié de commentaires spirituels du genre « Je te conseille le menu dégustation de chez Madame Cha (c'est une chaîne) » ou « Attention, tu vas chier du Royal Canin !! »
La viande de chien est une spécialité du nord du pays. Sa consommation remonte à plusieurs siècles, héritée de croyances et de pratiques agricoles où rien n’était gaspillé. La viande de chien est également associée à la chance. On croit qu’en manger à la fin du mois lunaire permet de chasser les mauvais esprits et d’inviter la prospérité. Ou alors d’éviter de se faire casser la gueule par ses abonnés…
Il y a 30 ans, j’avais vainement essayé d’en trouver, mais l’internet n’existait pas, ni google maps. Cette fois, ce fut plus facile. Ça ne m’a pas empêché de passer et repasser devant le resto quelques fois sans oser entrer. J’avais un peu la gerbe, je l’avoue. Mais bon, faut ce qui faut, j’ai une newsletter à écrire et donc en avant les expériences foireuses.
À l’arrivée, on ne sait pas très bien ce qu’on mange. Disons du lard caoutchouteux… trop salé mais ça à mon avis c’est pas la faute du chien mais du cuisinier. Bon, allez ça c’est fait. Je jure de ne plus en manger. En tout cas en pleine conscience.
L’histoire qui suit a failli faire imploser l’Union Douanière européenne. Voilà l’affaire : je dois passer la douane avec 10 bidons de Cao Thông U, de la médecine traditionnelle vietnamienne qui sert à tout : stase sanguine, thrombophlébite, anti-inflammatoire, vasospasme, infections… Bref, ce serait plus simple d’indiquer ce pour quoi le médicament n’est PAS indiqué.
Le truc c’est que la composition du Cao Thông U n’est pas franchement claire. On y trouve SANS DOUTE
Bình lang (noix d'arec), contient des alcaloïdes potentiellement toxiques à fortes doses ;
Hồng hoa (carthame), généralement autorisé ;
Quế chi (branche de cannelle) ;
Thổ phục linh (salsepareille) usuelle dans la MTC et dans les albums des Schtroumpfs ;
Thăng ma, plante soumise à surveillance dans certains pays pour son effet hormonal et hépatotoxique potentiel.
etc.
Je demande son avis à ma soeur qui, ne voulant pas se mouiller, demande son avis à son chat qui a pété (en tout cas c’est lui qui le dit).
• Certaines médecines chinoises contiennent des produits d'origine animale protégée (comme le tigre, l’ours, le rhinocéros — mais jamais du chien, je vous rassure) ou des plantes rares. Ces composants sont strictement interdits dans l’UE. Même à faible dose, un ingrédient interdit peut faire saisir tout le lot. Elle me conseille donc de vérifie les ingrédients de chaque flacon en anglais ou en latin (mais bien entendu, chou, je prends l’avion dans dix minutes, je n’ai que ça à faire, réviser mes six ans de latin)…
• Absence de traduction fiable (rrooooh, rien à craindre, tout est bé-ton de ce côté-là) ou d’étiquetage officiel : si les flacons ne comportent pas d'étiquette en anglais ou français, hop saisie.
Bref, si je ne réapparais pas dans les six mois qui viennent, c’est que je suis bloqué en douane avec mes produits interdits.
En attendant ma condamnation, concluons déjà l’affaire. Quel voyage rafraîchissant (je ne parle pas de la température, par contre). Une population jeune, enthousiaste et dynamique, une cuisine savoureuse, de nouveaux amis et une économie apparemment bondissante. Que demander de plus ?
Un dernier truc puisque vous êtes là : le podcast allkindsofsuccess me consacre un entretien d’une heure qui vient d’être publié. allkindsofsuccess, c’est “le podcast où
on parle de succès autrement. Ici on redéfinit les lignes du succès avec humour, émotion, puissance, humilité, enthousiasme & passion”. Je n’aime pas beaucoup ce terme de succès (j’ai toujours trouvé ce terme prétentieux) mais ici c’est pas moi le chef. Je parlerai donc plutôt d’expérience(s) de vie. Une heure chouettement passée avec Audrey… et peut-être avec vous, disponible sur Spotify ou Apple Music. Bonne écoute.
Lors d’un de mes voyages au Vietnam, dans la baie d’Halong terrestre, j’ai déjeuné dans un boui-boui pendant qu’une bonne mousson s’abattait sur le village. Après le repas, j’ai poliment demandé les toilettes, qui se résumaient à une cabane avec deux briques pour poser les pieds, dans la cour derrière le restaurant. En en sortant, j’ai remarqué des chiots dans des cages, et j’ai commencé à jouer avec eux, tout en me demandant bien pourquoi ils étaient enfermés, et aussi nombreux…
C’est là que je me suis félicitée d’avoir pris du poisson.